Les nouveaux Diafoirus ne parlent plus latin mais franglais. Ils travaillent dans des mairies, des universités, des musées, des sites institutionnels, des entreprises publiques ou privées. Air France inflige à ses clients sa « skyteam », La Poste propose une « pickup station », les Fnac ses « french days », Peugeot de «unboring the future ». Maubeuge est devenu une « creative city », l’Auvergne une « zero emission valley » et, à Antibes, on vous propose : « Venez rider derrière des Correct Crafts 200 Air Nautique ».

Les jeux de mots approximatifs, voire incompréhensibles, se multiplient : « Sarthe Me Up » proclame ce département ; « Goût de France/Good France », lit-on sur le site du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères ; « Alors, ready to Ouigo ? », demande la SNCF ; et l’université de Cergy-Pontoise s’est rebaptisée « CY » (« see why »).

L’Académie française, ce symbole de la respectabilité intellectuelle, ce défenseur classique du bon français, n’était connue jusqu’ici ni pour son audace, ni pour la pertinence constante de ses propositions. C’est pourtant elle qui réagit avec force et justesse contre l’envahissante anglicisation du français. Le sabir qu’elle dénonce relève d’un anglais au rabais, avec la disparition des prépositions et des articles, des terminaisons en –ing et –ty sans raison, des chimères lexicales composites indéfinissables comme « drive piéton », « let’s cagnotte », « climatiseur bi-split ou multi-split » … 

Au-delà d’une querelle linguistique, il y a là le risque d’une fracture sociale supplémentaire. Que peuvent comprendre à ce jargon de publicitaires les nombreux Français peu au fait de l’anglais et de la forme d’esprit des réseaux sociaux ? Qui est « in » ? Qui est «out » ? Comment exprimer son incompréhension sans passer pour un imbécile – pardon pour un « boomer » ? 

Il est bon que la langue française évolue et au contact d’autres langues. D’accord pour « week-end », « babyfoot », rock’n’roll », « fan », « shopping », « thriller », « test ». Mais pas d’accord pour de faux anglicismes comme «hype », « break », « drive » « open space ». Les touristes anglophones sont d’ailleurs les premiers à s’en gausser. À langage affaibli, pensée appauvrie. 

Etienne de Montety, Alice Devely, Félicie de Terves – Le Figaro – 15 février 2022 

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