Adieu hamac, adieu transat,
Déjeune languissant dans le bol de cawa,
Adieu, sous la plume molle, mon hiver couche tôt,
La sieste méridienne derrière les volets clos,
Adieu matin tardif serti d’éclats de rêve.

Le jeu de boules, le jeu de go,
Le jeu de dames gisent sur l’étagère en haut.
La pile de romans aux pages non coupées,
Penche, tour de Pise, sur la table de chevet.
Assise le dos droit, je travaille sans trêve.

Sur mes projets, quelle misère,
De la flemme et du temps s’entasse la poussière.
Avant le chant du coq j’ai rédigé ma une,
Ma journée de travail mord le croissant de lune,
J’ai fait mes trente-cinq heures le mercredi midi.

Comme beaucoup, j’ai deux métiers,
Et après le bureau, je rejoins mes foyers.
Ecrivaine-ménagère, je porte deux chapeaux :
Au moulin à paroles et au four à gâteaux,
Je mijote mes papiers en surveillant le riz.

Deux métiers, le soir un troisième :
Je suis la collaboratrice de l’homme que j’aime.
Il n’est pas du travail un véritable accro,
Mais il faut reconnaître qu’il en fait beaucoup trop
Et m’entraîne dans son métro-boulot-pas-dodo,
Bref, il fait du harcèlement… professionnel !

Oui, je suis la négresse blanche
Qui libère son imagination qui flanche,
La cuisinière de son bouillonnement d’idées,
Qui met de l’ordre au flou de ses pensées,
En quelque sorte, son ordinatrice personnelle.
Ou encore : sa dactylomuse !

Et pendant les vacances, croyez-vous qu’on s’amuse ?
Croyez-vous qu’on paresse et qu’on se la coule douce ?
Qu’on s’étire, qu’on traînasse, qu’on se fasse pas de mousse ?
Non ! Car nous partons toujours en ménage à trois :
Lui, l’ordi portable et moi.

Mais pour d’autre climats,
D’autres cieux,
Des paysages mornes, sans reliefs, ennuyeux,
Hantés par ces corneilles à qui j’ai tant bayé,
Depuis longtemps ne me serais-je pas envolée…
Si je détestais cette vie-là ?

Marika Sterne

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