Imaginez : soudain, il n’y a plus du tout d’électricité. Tout s’arrête et on ne sait pas pour combien de temps. Pas de lumière, pas d’Internet, pas de transports. Que faire ? Aller au travail en vélo ? Mais mon badge ne me permettrait pas d’accéder à l’immeuble où se situe mon bureau. Pendant trois jours, je vais vivre sur les réserves de mes placards, seul dans un appartement sombre et froid, condamné à ne rien faire. Tous les magasins d’alimentation sont fermés, car les portes automatiques et les caisses sont en panne.
Les autorités avaient prévenu début septembre : la grande panne électrique peut se produire cet hiver et durer quelques semaines, voire quelques mois ; faites des provisions et n’oubliez pas les allumettes, les bougies, le papier toilette, le savon, les médicaments. Ayez de l’argent en espèces et une radio qui fonctionne sur piles. On a déjà connu cela dans l’après-guerre, au temps de la guerre froide. C’est l’époque à laquelle tout le monde a appris à faire des conserves.
Des malins se sont déjà improvisés « coach de survie ». Ils donnent des cours en ligne et viennent à domicile. Ils insistent sur la nécessité de se procurer des sacs de couchage, des matériaux isolants, des lampes à pétrole, des extincteurs, des filtres à eau… et du schnaps. Si la pénurie se prolonge, les souris vont s’installer dans la maison, disent-ils.
Après deux jours bloqué à la maison, je regrette de ne pas savoir jouer de la guitare ou du piano. Sans mouvement, sans appétit, je sens que mon corps et mon esprit s’affaiblissent.
Mais il y a aussi de bons côtés à cette situation et des raisons d’espérer : de nouvelles solidarités apparaissent, même entre des gens qui ne se connaissaient pas.
Robin Schwarzenbach et Fabian Baumgartner – Neue Zürcher Zeitung – 15 octobre 2022