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Cette fable moderne dont la morale, comme celle du Lion et du rat de Jean de La Fontaine, est « on a toujours besoin d’un plus petit que soi », est relatée dans la revue « Science » de janvier 2024 par des équipes des universités du Wyoming (États-Unis) et de Nairobi (Kenya). Elle ressort d’une observation qui a duré dix-huit ans. 

Tout commence en 2003, quand la fourmi à grosse tête, redoutable espèce invasive, arrive dans la savane du centre du Kenya. Elle chasse sa cousine indigène, la fourmi des acacias. Or, cette dernière jouait un rôle considérable. La fourmi des acacias préservait les arbres des éléphants : quand un éléphant entrait en contact avec un acacia colonisé par un essaim, il se faisait mordre par l’insecte et battait en retraite. Le lion chassait à l’affût sa proie préférée, le zèbre, en se cachant sous les acacias. Avec la disparition de la fourmi des acacias, la savane devient vulnérable au surpâturage par les éléphants. Disposant de moins de cachettes pour épier et traquer les zèbres, les lions ont vu leur succès de chasse diminuer. Ils ont dû se rabattre dans leur menu sur le buffle, proie plus difficile. 

Un chercheur du Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive du CNRS, à Montpellier, explique que cette étude « met en lumière la complexité du fonctionnement des écosystèmes, où tout est lié à tout. » La conservation d’écosystèmes sains exige non seulement la prévention de l’extinction des espèces, mais aussi l’identification et la préservation de leurs interactions les plus importantes.  

Cette histoire est aussi une saisissante illustration de l’effet papillon : comment à partir d’un événement en apparence minuscule, tout l’écosystème se trouve perturbé.

Florence Rosier – Le Monde – 31 janvier 2024

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