© rutchapong, 123RF Free Images
Il ne s’agit pas ici d’une plante ou d’un animal rare, mais de l’argent liquide, billets ou pièces. La généralisation du paiement numérique et par carte bancaire entraîne peu à peu la suppression des distributeurs de billets. Ce phénomène exacerbe le sentiment d’abandon dans les petites villes et prive les sans-abri d’une monnaie vitale.
Depuis 2018, le nombre de distributeurs automatiques, soit 46 249 fin 2022 a baissé de 12% en France métropolitaine. Pour justifier cette tendance, les banques évoquent les nouveaux usages, la généralisation du paiement sans contact, la baisse d’utilisation des espèces, et les frais d’entretien et de sécurisation des DAB.
Sur les marchés, les personnes âgées font l’appoint en espèce, beaucoup de commerçants n’ont pas de terminaux de paiement électronique portables, car ils ne fonctionnent pas bien et représentent un coût supplémentaire. Les petites communes sont concernées au premier chef qui voient s’y ajouter d’autres désertions, celle des services publics, des transports, des pompes à essence, des médecins…
Les dons, traditionnellement en petite monnaie, vont-ils se métamorphoser ?
Dans le diocèse de Lille, regroupant 380 églises, un tiers des clochers recourent depuis un an aux paniers connectés lors des messes dominicales ou des concerts. Le panier renferme un terminal permettant au fidèle de payer sans contact avec sa carte bancaire ou son téléphone.
Les sans-abri pourront-ils continuer à faire la manche ? « Avant les passants avaient honte et détournaient le regard, maintenant ils répondent, droit dans les yeux : désolé, je n’ai pas de monnaie. » La Société de Saint-Vincent-de-Paul expérimente un nouveau dispositif avec Obole, une start-up spécialisée dans la dématérialisation du don. On pourra donner de l’argent aux sans-abri avec son téléphone, car la plupart d’entre eux détiennent un smartphone. Une autre initiative permet de donner en scannant un QR code affiché sur une pancarte. Ces applications protègent aussi les sans-abri de la violence de la rue. Mais pour le moment les gains sont très inférieurs à ce qu’ils étaient avec l’argent liquide.
Marine Dumeurger et Simon Henry – Le Monde – 4 février 2024