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À force de sélection pour obtenir un camembert le plus blanc et le plus duveteux possible, le champignon utilisé pour sa production est victime d’un appauvrissement génétique qui menace sa capacité à se reproduire. 

« Historiquement », explique Tatiana Giraud, directrice de recherche au CNRS à l’université de Paris-Saclay, qui a participé à l’étude du laboratoire Écologie, systématique et évolution, « les gens élevaient leur fromage pour le cultiver. Désormais tout se fait à l’échelle industrielle, en milieu stérile pour éviter contamination et risques sanitaires ». Les champignons, Penicillium camemberti, sont cultivés in vitro sur boîtes de Pétri, sans reproduction sexuée. On prend un morceau de champignon et on le met sur une autre boîte, ce que l’on appellerait bouturage pour une plante. Il pousse en quelques jours. 

Le camembert n’a pas toujours eu l’aspect immaculé qu’on lui connaît aujourd’hui. Depuis les années 1950, pour éviter les moisissures bleu grisâtre peu appétissantes, une seule et même souche de champignon est utilisée, un mutant albinos. 

Or, au fil du temps et à force de sélection, cette souche, qui est désormais dans l’incapacité d’avoir une reproduction sexuée perd peu à peu se capacité à produire des spores asexuées. Il faut donc de plus en plus de boîtes de Petri pour produire la même quantité de spores.

Des solutions existent. On peut compléter l’action de P. camemberti avec celle d’un autre champignon, Georicum candidum. Et il serait aussi possible de revenir à une population génétiquement proche, déjà domestiquée pour faire des fromages, Penicillium biforme ? Quitte à accepter de manger du camembert au goût ou à l’aspect un peu différents.

D’une manière générale, « on doit se rendre compte de l’intérêt de la diversité génétique pour permettre l’évolution et l’adaptabilité des espèces. »

Anne-Laure Frémont – Le Figaro – 9 février 2024

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