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Préserver la biodiversité est un enjeu critique pour l’humanité. Mais reconnaissons que la tâche est singulièrement difficile. Examinons le cas du rhinocéros, cet animal puissant, qui n’a pas d’autre prédateur que l’homme…
L’homme, précisément.
C’est le braconnier. Il tue le rhinocéros pour lui voler sa corne. Celle-ci vaut très cher sur les marchés d’Asie du Sud-Est : en médecine traditionnelle, elle est censée, réduite en poudre, soigner toutes sortes de maladies, y compris le cancer, et favoriser la libido masculine.
On a cru trouver la parade : lui ôter sa corne. L’intervention est sans douleur pour l’animal. On l’endort, on lui met des bouchons d’oreille, et on scie la corne au-dessus de la partie innervée. Cela dure une vingtaine de minutes. Puis on lime le bout de corne qui reste pour qu’il soit rond et non pointu. La corne repousse comme un ongle et il faut recommencer tous les dix-huit mois environ.
Le rhinocéros sans corne, n’a plus aucun attrait pour le braconnier. On a vérifié qu’il avait encore une capacité de séduction et que donc la procédure était sans danger pour l’espèce.
N’empêche ! Quel est l’avis des rhinocéros, que nul ne s’est avisé d’interroger ? La question peut être jugée absurde. Mais qui sait ? Et le destin du rhinocéros n’est-il pas une manifestation parmi d’autres de ce qui pourrait advenir, pour le meilleur et pour le pire, de notre relation avec la nature ?
Préserver la nature, c’est admirable. Que la nature reprenne le dessus, c’est peut-être encore mieux. Saluons le petit rhinocéros noir. C’est celui qui est le plus prisé des braconniers car sa corne est plus longue que celle des autres. C’est aussi le plus agressif : il patrouille le territoire, charge tout intrus, personne ou véhicule. Privé de sa corne, il survit, mais dans quel état : il est devenu timoré !
Rachel Nuwer – International New York Times – 17 juin 2023