C’était pour afficher leur richesse, leur originalité et leur puissance que l’empereur Charlemagne, le roi Henri VIII d’Angleterre, le magnat de la presse William Randolph Hearst, le baron de la drogue Pablo Escobar avaient chacun une ménagerie de grands animaux sauvages.

Le jardin zoologique ouvert au public apparaît au XIXe siècle en Europe, sur le modèle de Regent’s Park à Londres. Les animaux y sont enfermés derrière des barreaux. En 1907, l’Allemand Carl Hagenbeck, importateur d’animaux exotiques, crée à Hambourg le premier zoo où les cages sont remplacées par des douves et des rochers, donnant l’impression que les animaux sont en liberté dans leur environnement naturel. Il s’agit désormais non de puissance mais de protection. Vers la fin du XXe siècle, les zoos deviennent des conservatoires d’espèces en danger.

Les zoos accrédités par des organisations comme l’AZA (Association of Zoos and Aquariums), la Wildlife Conservation Society, ou l’European Association of Zoos and Aquaria, tiennent des studbooks de leurs pensionnaires et les soignent pour pouvoir, comme Noé après le Déluge, les relâcher un jour dans la nature. 

L’oryx d’Arabie, une antilope native de la Péninsule arabique, dont les derniers individus sauvages ont été tués en 1970, a été préservé grâce à un troupeau présent depuis 1962 dans le zoo de Phoenix aux Etats-Unis, puis réintroduit dans des sanctuaires à Oman, en Arabie saoudite, en Israël, en Jordanie entre 1982 et 2009. C’est le programme d’élevage du condor de Californie auquel ont activement participé cinq zoos qui a sauvé l’espèce. De même pour le furet à pieds noirs et le loup roux aux Etats-Unis et le tamarin-lion doré au Brésil. En tout, l’AZA supervise des programmes de préservation et de réintroduction de 50 espèces en danger.

Cependant, la majorité des animaux des zoos passent leur vie entière en captivité, où ils meurent de vieillesse ou bien sont abattus quand ils sont « en surplus ».

Daniel M. Ashe, président de l’AZA, pense que même si peu d’animaux sont effectivement relâchés dans la nature, apprendre à les élever peut contribuer à leur sauvegarde : « un jour viendra peut-être où nous aurons besoin d’élever des éléphants, des tigres ou des ours polaires en captivité pour les sauver de l’extinction. »

Autre argument en faveur des zoos : l’éducation du public. Témoins ces écoliers s’extasiant devant les éléphants du zoo du Smithsonian à Washington dont ils croyaient jusque-là que c’étaient des créatures imaginaires comme les licornes.  

Les zoos ont-ils vraiment cette fonction d’éducation à l’environnement ? Après tout, les zoos et les aquariums du monde accueillent plus de 700 millions de visiteurs chaque année et la biodiversité continue de décliner. D’après une enquête réalisée par deux zoos américain, 27% des gens ne lisent pas les explications affichées. On ne va pas au zoo pour étudier la biodiversité mais pour faire une sortie avec leurs enfants. 

Certes les zoos sont mieux conçus qu’autrefois, les soigneurs sont gentils, voire affectueux, les animaux sont en bonne santé et certains ont même l’air heureux. Pas tous : les félins et les ours arpentent leur enclos, les girafes n’arrêtent pas de tirer la langue, les singes ont des comportements compulsifs. Vu leur grande taille, leur habitude de parcourir des centaines de kilomètres chaque jour et leur caractère sociable, les éléphants sont particulièrement malheureux en captivité : ils hochent constamment la tête et meurent jeunes. Beaucoup d’animaux sont sous antidépresseurs. Dès qu’ils le peuvent, ils tentent de s’échapper : les tigres et les éléphants par la force ; les singes par la ruse. 

La solution d’après l’auteur de cet article : laisser les animaux des zoos mourir de leur belle mort sans les remplacer puis remplacer les zoos vides par des jardins botaniques. Quand les plantes sont en surplus, il suffit de les vendre.

Emma Marris – New York Times International – 17 juin 2021

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