Je l’ai recroisée dans le couloir, ce matin subrepticement. Elle était là pour cause de nettoyage mais c’est comme si elle m’attendait. C’est dimanche, c’est normal qu’elle soit en Alsace, mais elle n’a jamais connu une si longue période d’inactivité.

Imaginez-vous qu’elle m’accompagne tous les lundis, depuis plus douze années, les vendredis aussi, dans l’autre sens. Elle connaît bien les quais des gares, celles de Strasbourg et de la gare de l’Est, les autres gares parisiennes beaucoup moins, ce n’est qu’occasionnel. Les aéroports moins, en général une ou deux fois par an, mais elle a fait les States et le Canada.

Oui, c’est une Rimowa, une luxueuse Allemande, un peu chère à l’achat, mais pour un usage aussi intensif, les gares mais aussi les couloirs de métro et les bus –  plus péniblement dans les bus – il faut du solide. Les précédentes n’ont pas tenu le rythme et une valise avec une roulette cassée est handicapante, il faut la traîner comme un vieux chien malade ! Je l’ai achetée en ligne, livrée au bureau dans les 48 h, l’ancienne était licenciée pour cause de fracture de poignet.

Un jour, ma Rimowa a fait un quadruple salto dans un escalier de métro qui faisait facilement trois étages d’immeuble, heureusement, il n’y avait personne sur le parcours et lorsque je l’ai récupérée, elle était intacte. C’est du costaud !

Je l’avais achetée sur les bons conseils d’un entrepreneur alsacien, encore plus gros que moi et surtout très grand voyageur à l’international. Il m’avait dit que c’est la seule valise sur laquelle il peut s’asseoir quand il est en rade dans un aéroport, le moment fatal où il n’y a aucun siège.

Demain, c’est lundi et elle sera encore au chômage comme moi. J’ai hâte de la retrimballer en bus, train et métro. Maintenant, s’il le fallait, je pourrais toujours faire le tour de mon quartier avec elle comme si c’était ma chienne, mais j’éviterais de lui parler devant d’autres promeneurs.

Bernard Kuentz, Directeur de la Maison de l’Alsace à Paris

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