7 400 langues différentes sont parlées aujourd’hui dans le monde, la plupart par des peuples qui ne comptent que quelques milliers, voire quelques centaines de locuteurs. Il existe 119 langues indigènes en Amérique du Nord, 37 en Amazonie et 80 en Papouasie Nouvelle Guinée. À la différence des deux douzaines de langues qui sont utilisées dans le monde entier, elles sont seulement orales, n’ont jamais été transposées à l’écrit. Beaucoup sont en voie d’extinction.
Or, les langues sont aussi des supports d’une connaissance ancestrale toute particulière : celle des plantes médicinales. Le nom et l’usage de 75% des 12 495 plantes médicinales identifiées n’existent pour le moment que dans une seule langue.
Ainsi en Papouasie Nouvelle Guinée, les langues indigènes ont un vocabulaire correspondant à 2000 concepts, dont 500 servent à désigner des plantes, des animaux et des sites naturels. Les plantes en question peuvent soigner des infections dues à des virus, des bactéries, des parasites, des maladies de la peau, des blessures infligées par des animaux, des piqûres d’insectes. Et quelquefois ces problèmes ne peuvent pas être traités avec les antibiotiques modernes. Mais cette connaissance n’est enregistrée nulle part.
Dans une population indigène, seules quelques personnes détiennent ces savoirs. Chez quelques peuples la transmission de cette connaissance s’effectue principalement par des rituels, parfois au moyen d’hallucinogènes. Ailleurs encore la connaissance d’un vieil homme est enseignée à un seul jeune. Une étude récente en Papouasie Nouvelle Guinée montre que seulement 58% des enfants indigènes qui fréquentent l’enseignement secondaire parlent encore couramment leur langue maternelle.
Il faudrait investir davantage dans la recherche ethnolinguistique, la formation d’ethnolinguistes et d’ethnobotanistes. Les Etats-Unis dépensent plus pour la protection des condors de Californie que pour la survie des 100 langues en voie de disparition sur leur territoire. La Colombie, en revanche, se soucie de maintenir des langues indigènes. Des chaînes de radio sont dédiées aux enfants qui pratiquent ces langues. Ainsi ces enfants voient-ils qu’il est aussi facile de communiquer dans la langue maternelle qu’en espagnol.
Hermann Feldmeier – Neue Zürcher Zeitung – 8 septembre 2021