La raréfaction des grands mammifères emblématique d’Afrique ou d’Asie nous passionne. Le plus récent avis de décès est celui du dernier rhinocéros de Sumatra dans un zoo où on espérait le préserver. Et l’on se lamente à juste titre de la disparition de mille koalas dans les grands incendies d’Australie.

Cependant presque personne n’a relevé la publication par Nature le 31 octobre d’une information alarmante : l’effondrement, sous nos latitudes, des formes de vie les plus communes, les insectes et les arthropodes en général. Leur déclin est encore plus rapide qu’anticipé.

Une vingtaine de chercheurs allemands, suisses et autrichiens ont analysé l’évolution des captures d’arthropodes sur 300 sites, en prairie et en forêt, entre 2008 et 2017, en tout un million de bestioles terrestres, volantes et rampantes, appartenant à 2700 espèces. Quel que soit l’indicateur choisi pour déterminer l’évolution de ces populations – nombre d’individus capturés, biomasse, diversité des espèces représentées – le désastre est total, les chiffres sont très préoccupants. La biomasse a chuté de 67%, le nombre d’individus de 78% et la diversité d’un tiers. En France, de rares données non encore publiées indiquent un déclin similaire.

D’ailleurs, chacun peut s’en rendre compte : après une longue route en voiture, votre pare-brise est impeccable alors qu’autrefois il était constellé des cadavres des insectes volants qui s’y étaient fracassés.

En cause : l’agriculture intensive et l’usage des pesticides. Et même les bêtises de la lutte qu’on croit naturelle contre les nuisibles : l’importation de coccinelles chinoises plus voraces en pucerons que les coccinelles indigènes s’est muée en véritable invasion au détriment de nos coccinelles à sept points et deux points.

Or nombreux sont les arthropodes, depuis les fourmis et les lombrics jusqu’aux abeilles solitaires qui font leur nid à terre, qui travaillent la terre, la labourent, l’enrichissent. Et, les insectes volants sont la nourriture d’autres animaux qui souffrent aussi de leur disparition. Partout les oiseaux des champs ont perdu près d’un tiers de leur effectif en quinze ans, les chauves-souris disparaissent encore plus vite (moins 30% en une décennie) et les amphibiens ne se portent pas mieux.

Stéphane Foucart – Le Monde – 9 novembre 2019
Pierre Déom – La Hulotte – 2ème semestre 2019

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