Le permafrost (ou pergélisol en français) désigne un sol dont la température se maintient en dessous de 0°C pendant plus de deux ans consécutifs. Il couvre 90% du Groenland, 80% de l’Alaska, 50% du Canada et de la Russie, au total 20% de la surface terrestre. Il est recouvert par une couche de terre, appelée « couche active », qui dégèle en été et permet ainsi le développement de la végétation.
La fonte du permafrost, qui peut atteindre plusieurs centaines de mètres de profondeur, pourrait s’avérer catastrophique. Or dans l’Arctique la température a augmenté depuis trente ans de 0,6° par décennie, deux fois plus vite que dans le reste du monde. Si ce processus se poursuit, la fonte du permafrost libérera dans l’atmosphère du méthane et du gaz carbonique, accélérant encore le réchauffement climatique. Il réveillera aussi des virus inconnus, engourdis en son sein. L’éviter est donc un enjeu pour le monde entier.
C’est pourquoi la Russie s’intéresse à une idée proposée par des géographes de l’université d’Oxford. Il s’agirait d’implanter dans l’Arctique des troupeaux d’animaux sauvages particulièrement résistants au froid : bisons, chevaux Iakoutes, chevaux de Przewalski, moutons, yaks… Avec le temps, ces animaux pourraient remplacer la toundra par une steppe herbeuse. Les racines de l’herbe sont un puissant fixateur du gaz carbonique. Par ailleurs, le poids des animaux pourrait enfoncer ces racines dans le sol. La pertinence de cette expérience a été vérifiée : là où elle est conduite, la température du sol est de 2,2° inférieure à ce qu’elle est ailleurs. Mais pour que cette expérience réussisse, il faudra beaucoup plus d’animaux : le plein effet de cette initiative ne se vérifiera qu’au siècle prochain. Une condition pour la réussite de ce projet original : que les pays concernés soient suffisamment prospères pour pouvoir s’offrir la dépense.
Christoph Eisenring – Neue Zürcher Zeitung – 7 juin 2021