La relation entre les générations est une question souvent évoquée et pourtant mal connue. Tout se passe bien, en principe, dans les familles. Mais très nombreuses sont les situations dans lesquelles ce n’est pas le cas : ce sont des personnes âgées qui se meurent de solitude ; ce sont les nombreux jeunes qui ont du mal à se nourrir et se loger, redoutent de ne jamais échapper à la pauvreté. Plus généralement dans la société, la communication et la transmission des ressources entre générations semblent se faire de plus en plus mal. Et pas d’issue en perspective, l’habituelle pénurie d’idées. Les propositions démagogiques commencent à fleurir, l’arbitraire et le rapport de force ne sont peut-être pas loin. Est-il possible d’envisager des initiatives civilisées ?

Curieusement, c’est dans la Rome antique que j’en ai peut-être trouvé une, avec l’adoption entre adultes. C’était la manière de traiter ensemble deux questions : l’insertion dans la société d’une jeunesse nombreuse, ambitieuse, locale et aussi en provenance de tout l’Empire ; les soucis des Romains aisés qui, avançant en âge et n’ayant pas d’héritier, se désolaient de ne pouvoir laisser leur nom, de devoir abandonner leur œuvre et de ne pouvoir, à leur mort, transmettre leur patrimoine à une personne de leur choix.

À Rome, l’adoption d’un adulte non consanguin était un usage courant, apparu informellement et progressivement encadré par les juristes. Elle est même devenue pour les dirigeants politiques une manière d’assurer leur succession. On connaît l’histoire d’Octave, adopté par Jules César, et qui devint ainsi le premier empereur romain sous le nom d’Auguste.

Peu à voir avec l’adoption telle que nous la pratiquons : des couples (parfois des célibataires) en mal d’enfant se créant ainsi une famille. Elle est difficile, assortie d’un cortège de décisions administratives et de longs délais.

Pour un(e) étudiant(e) ou professionnel(le), l’adoption serait un formidable accélérateur de l’insertion sociale, aussi au bénéfice de sa famille. Pour l’adoptant(e), une chance d’éviter la déshérence de son œuvre. Évoquons par exemple les nombreux chefs de petites et moyennes entreprises qui, la vieillesse approchant ou déjà présente, cherchent la personne qui, parfois après des années de tests, méritera de leur succéder. Au moment où la famille traditionnelle est mise en cause, où le désir d’enfant des jeunes couples décline dans le monde entier, où toute l’Union européenne s’inquiète de sa crise démographique, il y aurait là un moyen parmi d’autres de réinventer le lien social.

Il y aurait, comme dans toute chose, des risques d’abus, d’un côté ou de l’autre. Rome, société dans laquelle le Droit avait une si grande importance, les avait tous envisagés. Trouvons un juriste familier à la fois du Droit romain et du Droit de la famille pour élucider tout cela.

À ceux qui objecteraient que cette approche est inappropriée, je signalerai que l’adoption d’adultes est légale et socialement acceptée… au Japon, depuis le XIIe siècle et jusqu’à nos jours. Exercée couramment, l’adoption d’adultes y est un outil dynamique de mobilité sociale et économique.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Adoption_d’adultes_au_Japon

Il ne m’appartient pas d’aller plus loin. Mais il serait intéressant de recenser les problèmes éventuels et les suggestions de réforme. Peut-être se trouvera-t-il un professionnel ou un politique pour s’en occuper.

Armand Braun

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