Cette crise frappe principalement le système public d’éducation. Environ 50 millions d’enfants y sont scolarisés. Mais c’est 1 200 000 de moins qu’il y a quelques années. Les écoles publiques des grandes villes perdent chaque année des dizaines de milliers d’écoliers. Même dans la banlieue d’Orange City en Californie où, depuis des générations, les familles viennent s’installent en raison de la qualité de son système éducatif.
Que se passe-t-il ?
D’abord, un phénomène immédiat, peut-être momentané : le marché du travail, qui souffre d’une grave pénurie de personnel, attire les élèves et leur offre des salaires élevés. Du coup ces jeunes abandonnent leurs études, tout en affirmant sincèrement vouloir les reprendre dès que possible. En fait, ce n’est jamais le cas. Et, subissant cette alternative entre le présent et l’avenir, ils renoncent à toute perspective de diplôme et donc de promotion professionnelle.
Et une série de phénomènes structurels. La baisse de la natalité et la baisse de l’immigration, d’où moins d’enfants. La crise économique : les familles qui tombent dans la grande pauvreté essaient de rester invisibles de peur que les services sociaux ne leur prennent leurs enfants. La pandémie a aggravé cette situation. Beaucoup de parents, las de l’école à distance et des contraintes sanitaires, notamment le port du masque, ont fini par mettre leurs enfants dans des écoles privées qui sont, elles, restées ouvertes, ou par les garder à la maison, dans le meilleur des cas pour leur faire eux-mêmes la classe.
Or, les fonds attribués aux écoles publiques dépendent du nombre d’élèves. Résultat : on congédie des enseignants, on ferme des classes, voire des écoles entières. Bref, l’école publique américaine est en grand danger.
La situation aux Etats-Unis est en tout point différente de celle de la France. L’histoire, la culture, l’organisation du système éducatif n’ont rien à voir avec notre contexte. Et pourtant !
De part et d’autre, s’installe le désarroi, des SOS sont lancés. De part et d’autre, on constate que les approches réformatrices rencontrent leurs limites. De part et d’autre, l’espoir d’une amélioration disparaît. De part et d’autre, chacun –partis politiques, communautés, municipalités – prétend imposer ses convictions, dont la culture générale n’est plus que rarement le fondement.
Shawn Hubler – International New York Times – 19 mai 2022
Jeanna Smialek – International New York Times – 9 juin 2022
Prospective.fr