Il y a un siècle, sur l’archipel des Kerguelen, l’éléphant de mer, comme la baleine, était chassé pour sa graisse. Aujourd’hui, l’exploitation a été remplacée par la cohabitation et la collaboration. 

Cohabitation : les habitants de Port-au-Français apprennent à supporter les rugissements des mâles qui se provoquent en duel et à éviter de heurter en voiture ou en vélo ces énormes animaux qui se reposent sur les routes. 

Collaboration : les éléphants de mer sont devenus les alliés des océanographes des Kergelen et du monde entier. En effet, ces plongeurs hors pair, atteignent des profondeurs inaccessibles à l’homme. 

Pour comprendre le phénomène de réchauffement des pôles il est important de collecter des données océanographiques comme la salinité de l’eau et la température. Mais les expéditions en Antarctique à bord de navires scientifiques sont très coûteuses et quasiment impossibles lors de l’hiver austral, quand s’étend la banquise. Depuis l’an 2000, 80% de ces données en été et 99% en hiver sont fournies par des balises posées sur le front des éléphants de mer, qui, environ soixante fois par jour, plongent dans les profondeurs de l’océan jusqu’à 2 000 mètres, y compris sous la banquise en hiver.   

Pour ce faire, les scientifiques capturent les éléphants de mer, les anesthésient et apposent sur leur front grâce à une colle qui n’abîme pas la peau de l’animal, un petit appareil muni d’une antenne qui le fait ressembler à une licorne. Pendant environ un an, la balise transmet des informations parcellaires. Puis, elle se décolle naturellement lorsque l’animal revient sur terre après un hiver passé au large et la balise est récupérée avec l’ensemble des données qu’elle a enregistrées.

Vincent Jolly – Le Figaro – 4 juin 2022

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