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Dans ses « Essais », Montaigne consacre de nombreux chapitres aux vertus du sommeil. Il en recommande huit ou neuf heures par nuit. L’esprit reposé est frais, vif, joyeux. Il sait mettre le bruit de l’information à distance et se consacrer sereinement à la tâche. Il est ouvert aux idées nouvelles, aux événements inattendus. Dormir c’est gagner du temps. Montaigne conseille aux « grands personnages » attelés « aux plus hautes entreprises et importantes affaires » de ne pas « accourcir leur sommeil ». Il cite Alexandre le Grand, que l’on n’arrivait pas à réveiller lors de la bataille contre Darius, ou Caton ronflant au milieu de l’agitation sénatoriale. On pourrait ajouter Napoléon ou Churchill.

Mais notre époque encourage tout l’inverse. Les responsables politiques portent leurs cernes en médaille, pour le plus grand bonheur des maquilleurs ou maquilleuse des plateaux télé. Les patrons jouent à qui partir le dernier du bureau ; le nez dans le guidon, ils perdent toute culture générale comme tout sens commun.

Les Français ont perdu 1h30 de sommeil quotidien en cinquante ans : nous dormons désormais moins de 7h par nuit, obsédés par nos écrans et nos dossiers, effrayés de rater un email ou une nouvelle. 

Je plaide pour une cure de sommeil générale. Comme Marcel Proust, couchons-nous de bonne heure et savourons « les belles joues de l’oreiller qui, pleines et fraîches, sont comme les joues de notre enfance ».

Gaspard Koenig – Les Échos – 24 janvier 2024

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