Les artistes contemporains au sommet de la gloire sont les héritiers des avant-gardes antérieures : du ready-made qui transforma des objets courants en œuvres d’art, comme le fit Duchamp avec son Urinoir, du pop-art, qui érige au rang d’art les images et les objets populaires américains, telles les boîtes de conserve d’Andy Warhol, du street art, développé sur les murs des villes par Jean-Michel Basquiat. Cette poignée d’artistes développe une stratégie en trois étapes : se forger une image, produire industriellement et savoir générer à la fois la rareté et l’abondance.
L’image s’enracine souvent dans la richesse artistique de la vieille Europe et des grands musées : rien ne vaut une exposition au château de Versailles, au musée du Louvre ou au Centre Pompidou. Une collaboration avec les grandes marques de luxe conforte cette image.
Les artistes contemporains gèrent leurs fabriques comme Raphaël, Titien ou Rubens dirigeaient leurs ateliers. Damien Hirst a employé jusqu’à 300 personnes pour réaliser ses œuvres exposées en 2018 à Venise. Les collaborateurs de Jeff Koons sont des robots.
Enfin la stratégie commerciale consiste à organiser en parallèle un marché d’œuvres originales rares et chères d’une part et d’œuvres multiples à plus ou moins bas prix d’autre part. Ainsi, le Balloon Dog monumental de Jeff Koons existe en cinq exemplaires de couleurs différentes, puis des répliques en porcelaine… Suprême habileté : ces artistes savent créer à la fois la rareté, source de prix élevés et l’abondance, source de volumes importants de ventes. La recette est ancienne : en peinture classique, l’œuvre signée s’accompagnait d’éventuelles copies ; les sculptures en marbre de Rodin étaient suivies de tirages limités en bronze – à l’heure actuelle, c’est en vendant des copies que survit le musée Rodin.
Béatrice Majnoni d’Intignano – Commentaire n°170 – été 2020