C’est un comble, le Marais poitevin, la deuxième plus grande zone humide de France après la Camargue, manque d’eau ! On est passé d’une situation où l’eau était tellement abondante qu’il a fallu la contrôler et la domestiquer à une situation de pénurie.

En cause, la culture intensive du maïs, forte consommatrice d’eau en été. L’irrigation a commencé dans les années 1980. Les forages privés ont transformé les champs en gruyère et menacent la nappe phréatique. Les rivières sont souvent réduites à de minces filets d’eau, pratiquement des sentiers de randonnée, au grand déplaisir des sociétés de pêche locales. 

La loi sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006 a érigé la ressource en bien commun. Des compteurs ont été installés sur les forages des agriculteurs, les volumes prélevés et réduits. Mais pas au point de régler le sujet, aggravé par le changement climatique.

Des retenues de substitution, de grandes bassines, rendues étanches par une géomembrane posée au fond, sont en hiver emplies d’une eau qui ira irriguer les champs en été. 

Pour le bassin versant de la Sèvre niortaise, l’ensemble de rivières et de canaux qui déversent leurs eaux dans le Marais poitevin et arrosent plus de 220 communes (près de 400 000 habitants), un projet initial prévoyait la création de 19 bassines. Après concertation, le nombre des bassines a été ramené à 16, dont 7 ont été reconnues conformes par le Tribunal administratif de Poitiers. Les 9 autres en projet devront être redimensionnées afin de réduire le prélèvement global de 6,9 millions de m3 à 6 millions. A condition que la nappe phréatique soit pleine ou en débordement. 

Pour certains, le pilotage public-privé de l’opération est un modèle de gouvernance. Une partie des forages privés seront bouchés, des haies replantées, des fossés recréés et le retour à une plus grande biodiversité sera favorisé. 

Pour les opposants, défenseurs de l’environnement et adhérents des sociétés de pêche, ces retenues censées sécuriser les cultures des « irrigants » sont l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire. Pour eux, c’est bien l’irrigation qui assèche les rivières, pas les épisodes de sécheresse. Il faut cesser de rectifier les rivières afin que l’eau retourne dans les nappes, que la zone humide retrouve son rôle naturel. « Des vaches, pas des bâches ! », proclament-ils.

Éric Collier – Les Echos – 7 novembre 2021

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