Depuis longtemps, nous cultivions le rêve de la maison familiale, idéalement avec un petit jardin. La géographie urbaine fournit mille exemples, la littérature au moins autant. Le cas de la Grande-Bretagne est le plus manifeste.

Mais l’une des premières conséquences de la pandémie est de changer tout cela. Un autre rêve remplace soudain le précédent : le besoin d’un lieu pour s’isoler. La banalisation du télétravail est le facteur majeur de cette rupture. Du jour au lendemain, des millions de professionnels ont dû se mettre à travailler depuis chez eux et ils se sont rendu compte que cela ne leur était pas possible. Qu’il leur manquait un endroit pour s’abstraire des bruits et activités de la famille, lire, écouter de la musique, et surtout travailler. Ce fait nouveau est en train d’exercer rapidement un formidable effet de levier sur l’habitat urbain. Il disloque les pratiques jusqu’ici établies.

Une nouvelle inégalité sociale apparaît entre ceux qui ont la possibilité de se réfugier dans un espace séparé, et ceux qui ne l’ont pas. Ayons une pensée pour ces millions de personnes à travers l’Europe qui ont subi (et risquent de subir encore) le confinement et ses multiples occasions quotidiennes de stress dans des appartements exigus et bruyants, créés dans des grands ensembles conçus pour loger un maximum de personnes.

Ceux qui ont un jardin sont chanceux. Dans toute l’Europe, les privilégiés qui en possèdent un s’y construisent une cabane. Un réseau mondial des propriétaires de ces cabanes se met en place : c’est le Mouvement des micromaisons (Tiny House Movement). En Europe, la surface moyenne en est de 17m², de 37m² en Amérique du Nord. Ces nouvelles habitations sont souvent équipées avec des installations dernier cri, entre autres des panneaux solaires. En Suisse, notamment à Zürich, semble s’installer un processus de substitution : les maisons individuelles ne sont plus occupées que par des personnes âgées, les jeunes se construisent leur propre micromaison.

Pouvoir jouir d’un lieu retiré est un luxe. Évoquons à ce propos le petit bureau de la Reine Catherine de Médicis au Château de Chenonceau avec ses fenêtres donnant sur le Cher, ou le chalet du compositeur norvégien Edvard Grieg en bas de son grand jardin au bord d’un lac.

Sans aller jusque-là, un petit balcon ou une terrasse peuvent faire l’affaire … quand il fait beau temps.

Sabine von Fischer – Neue Zürcher Zeitung  – 26 septembre 2020

fr.wikipedia.org/wiki/Troldhaugen

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_des_micromaisons

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