Dans les années 1960, Paul MacLean, chef du laboratoire de neurophysiologie de l’Institut de santé mentale de Bethesda (Maryland, Etats-Unis) avance une théorie inédite. Le cerveau humain se serait construit en trois couches successives au cours de l’évolution : le cerveau reptilien, siège des comportements archaïque liés à la survie (se nourrir, se reproduire, fuir ou combattre) ; le cerveau limbique, centre des émotions ; le néocortex, développé chez les primates supérieurs et lié aux activités cognitives. Le concept séduit le monde médical, puis celui de la culture.

L’idée selon laquelle l’humain redevient un être frustre quand le cerveau reptilien prend le dessus est vulgarisée en Europe par Arthur Koestler dans son livre Le Cheval dans la locomotive (1968) et jusqu’en 1980, par l’éthologue Konrad Lorenz et l’écrivain scientifique Desmond Morris. Et en 1979, Alain Resnais, dans son film Mon oncle d’Amérique (1979), fait intervenir le neurobiologiste Henri Laborit commentant l’action à l’aide de cette théorie des trois cerveaux. 

Or, cette vision de l’organisation neuroanatomique est aujourd’hui réfutée par de nombreux scientifiques, ceux-ci considérant plutôt les aires cérébrales comme des ensembles en interaction. Mais désignant la tendance à l’égoïsme, à la vie instinctive et pulsionnelle, au sens propre ou au sens figuré, l’expression « cerveau reptilien » – que viserait la publicité par exemple – continue son chemin. 

Elle a même récemment resurgi ici et là à l’occasion de la pandémie.

Elisabeth Berthou – Le Monde – 21 mars 2021
Sébastien Lemerle – Le Cerveau reptilien. Sur la popularité d’une erreur scientifique (CNRS Editions, 2021) 

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