Photo: © virtosmedia/123RF

 

Parmi les nombreux sujets débattus cet été, pendant les semaines où notre espèce sédentaire était devenue migrante pour un temps, il y avait la question du tourisme : un bien ? un mal ? trop ? pas assez ? Et son nouveau contexte : l’avenir de la planète. 

C’est l’occasion de se remémorer la grande variété, qui ne date pas d’hier, de manières d’aborder la question du déplacement touristique. Autrefois déjà, quelques-uns ont décidé de ne jamais bouger. Kant n’a jamais quitté sa ville de Königsberg. Pessoa écrivait : « La seule idée de voyager me donne la nausée. Seule une imagination misérable peut donner l’illusion qu’il faut bouger pour éprouver des émotions ». Pour Emerson, le voyage est un « un paradis pour les imbéciles ». Et, chacun le sait, Socrate n’a jamais quitté Athènes. À l’appui de ce point de vue, beaucoup de faits d’observation contemporaine. On sait par exemple que la plupart des visiteurs du Louvre restent quinze seconde devant la Joconde. Qu’ont-ils vu ? Rien. Qu’ont-ils appris ? Rien. Qui n’a vu à la télévision les chenilles processionnaires qui gravissent les pentes de l’Himalaya ? Et que dire des gens qui vont au bout du monde juste pour prendre une photo ? 

Mais les voyages, dit-on, forment la jeunesse. Rencontrer d’autres personnes, d’autres paysages, découvrir des œuvres d’art… constitue une dimension majeure de l’éducation. « Voyager est dans nos gènes. L’être humain est depuis toujours en route. Il quitte sa zone de confort, teste des frontières nouvelles… » Cette expérience est de nos jours à la portée de la plupart. Nos prédécesseurs le savent depuis toujours. Des rois de France étaient si pressés de découvrir l’Italie, de voler ses chefs d’œuvre et de ramener ses artistes qu’ils ont multiplié à cette fin les opérations militaires. 

Cela étant rappelé, on ne peut préjuger, entre l’excès et le manque, les attentes individuelles et les impératifs globaux, de quoi l’avenir du tourisme sera fait.

 

Agnes Callard, philosophe à l’université de Chicago – The New Yorker – 24 juin 2023
Christian Laesser – Neue Zürcher Zeitung – 29 juillet 2023
Lire à ce sujet la brève « le surtourisme » de juillet-août 2023

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