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Dans les années 1930, les dirigeables étaient de véritables paquebots des airs, capables de traverser l’Atlantique en quelques jours. Les photos de l’époque montrent des cabines, des allées de promenade, des salles à manger, des salons de musique… Alors que l’avion reste une sorte de moteur volant où s’engoncent des passagers, le dirigeable est un hôtel qui s’envole. On y passerait volontiers quelques jours de farniente, voguant à une altitude assez basse pour se laisser distraire par le détail des paysages.
La catastrophe du Hindenburg, prenant feu à son atterrissage dans le New Jersey en 1937 a mis fin à l’aventure.
Mais les techniques ont progressé, notamment dans la résistance des matériaux. De nouveaux modèles sont déjà dans les airs ou tout près de s’envoler : Flying Whales pour le transport des charges lourdes, Zeppelin pour le tourisme au-dessus du lac de Constance (la région d’origine du Graf von Zeppelin, inventeur du dirigeable), Airlander 10 pour assurer les liaisons interrégionales régulières en Espagne…
Les avantages écologiques sont évidents. Gonflé par un gaz plus léger que l’air (hydrogène ou hélium), le dirigeable s’envole sous le simple effet de la poussée d’Archimède et peut atterrir sur des terrains très variés. Formidablement économique en carbone, il pourrait nous permettre de voyage loin sans saboter le climat. Surtout, il incarne un autre rapport à la nature. L’avion exerce la force brutale du moteur thermique pour écraser l’air et lutter contre le vent. Le dirigeable, au contraire, recherche l’harmonie des éléments. En tirant parti de la nature sans la brusquer, le dirigeable s’intègre à l’écosystème aérien.
Il y a un siècle, Paul Morand redoutait, dans « Rien que la terre » l’avènement du « tour du monde à quatre-vingt francs », monotone et banalisé. Cet écrivain de la vitesse, amateur de points-virgules et de voitures de course, comprenant à quel paradoxal enfermement l’accès universel aux transports allait nous conduire. On pourrait se rendre partout mais pour y voir la même chose. Ne trouvant plus d’exotisme sur une terre devenue homogène, on rêverait de planètes lointaines. « Là où nous nous réjouissons d’un périple, prévenait Morand avec une étonnante sagacité, on ne verra plus qu’un galimatias de voyages. »
Les dirigeables nous promettent de renouer avec les périples.
Gaspard Koenig – Les Échos – 10 mai 2023
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